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Le Raid du Hohwald (1985)

 

Extraits du Journal de bord du chef de troupe.

 

L'an mille neuf cent quatre vingt quatre, en ce mois de septembre.

 

La troupe aligne 4 patrouilles et 30 scouts, outre une maîtrise de 5 chefs ; compte tenu des départs des CP, il ne reste que 5 secondes classes, ce qui m'apparait un peu court. A 21 ans, j'aborde ma 3° année de CT et, attiré par le système Raider de Michel MENU, je m'en inspire sur certains aspects comme moyen de progression collective de l'unité; je souhaite également organiser un camp d'été sortant des grands classiques sans cesse renouvelés.

 

Le raid dit du Hohwald s'inscrit ainsi dans un programme plus vaste et en constitue l'aboutissement.

 

Des objectifs d'obtention de classes sont fixés par patrouille; en outre les CP et SP devront valider les 3 badges Religion, Raid et Secourisme.

 

Pour parvenir à ces objectifs, un programme annuel est établi , reposant sur un engagement spirituel (concrétisé par une retraite de 3 jours, 5 pour la HP, et un travail mensuel de méditation sous coordination de l'aumônier), sur un esprit de service (au niveau personnel : la BA, au niveau de la patrouille une action service à son initiative et au niveau de la troupe un service de plus grande ampleur, en l'occurrence l'aide à une famille dont le père est handicapé, pour le réaménagement de son jardin et la restauration de sa grange), sur une qualification technique acquise par un entrainement rigoureux au travers de trois thèmes trimestriels (survie sur base du TTA 115 Notice de survie au combat - instruction générale 1° et 2° classes - topographie et raids) et surtout ... par l'esprit d'aventure !

 

Week-end de HP des 15 et 16 septembre 1984.

 

Mise en jambes pour la Haute-Patrouille du Loup. 8 scouts et 3 chefs au rendez-vous.

 

Départ du lieu dit Les Baraques en Forêt de Haye à 15h30 ,avec sac de WE et cordes de rappel. Marche au pas de course pour abattre en moins de 1 heure les 9 kms jusqu'aux falaises de MARON.

 

Descente en rappel de l'a pic de 20 mètres.

 

Arrivés en bas, les scouts traversent la route, dévalent le talus et arrivent au bord de la Moselle ; ils sont accueillis par l'équipe log composée d'un ACT et de deux équipiers pilotes qui les aident à conditionner 2 zodiacs (sans moteur, ça va de soi) Un temps précieux est cependant perdu à effectuer une réparation sommaire sur un flotteur percé.

 

 Il faut s'adapter et improviser.

 

A la nuit tombante, vers 20h30, les zodiacs embarquant 13 scouts sont mis à l'eau et ceux -ci pagaient sur les 6 kms les séparant de l'écluse de VILLEY LE SEC, qui est atteinte une heure plus tard. Les zodiacs sont portés à dos sur quelques centaines de mètres, jusqu'au point de ralliement avec la voiture log, sont dégonflés et chargés sur l'attelage.

 

La HP crapahute ensuite jusqu'à l'entrée des grottes de PIERRE LA TREICHE. A 23h30, repas ; à l'issue, à 1 h00 du matin, alors que les scouts pensaient pouvoir dormir un peu, perception des casques spéléos et en avant pour 1h30 de spéléo dans les grottes du Grand Huit.

 

A 2h30 du matin, dessert puis départ à 3h00 pour une marche en mode furtif, comme la troupe en a maintenant l'habitude (déplacement dans le silence absolu et dans l'obscurité totale, sans lampe, le CT mémorisant à l'avance le trajet et en cas de besoin, s'enfouissant la tête sous une bâche pour allumer la loubarde et consulter la carte) afin de rejoindre les baraquements en ruine des fortifications de VILLEY LE SEC.

 

Ce raid de 30 kms se termine à 4h00 et les scouts peuvent enfin profiter d'un peu de repos. Lever 3 heures plus tard pour la messe au village ; de retour au bivouac, débute l'instruction survie par un ACT, en BTS Agro. La voiture log a apporté des lapins vivants et les scouts apprennent à les tuer, vider et cuisiner, le tout agrémenté d'une cueillette de plantes et végétaux.Le WE s'achève à 15h00 à Villey le Sec ; le ton est donné et la dynamique lancée.

Les 4 CP sont rapidement investis et les scouts progressent dans la validation des classes, s'appuyant sur le journal de troupe Charles de Foucauld qui a passé en revue toutes les épreuves de PISTES.

 

Un grand jeu oppose la troupe à la 5° NANCY lors du week-end des 12 et 13 janvier 1985 par un froid sibérien (entre -15° et -20°, et sous 20 cm de neige) avec la prise d'un bunker de la redoute de Dommartin les Toul. Au printemps un week-end spécial " raid de classes " permet à chacun de valider ses épreuves d'orientation de 2° ou de 1° classe.

Camp de Pâques 1985.

 

Le camp de Pâques a lieu du 9 au 13 avril dans les Côtes de Toul, sur le plateau de Lucey, en compagnie de la Troupe 1° SAAREBURG, implantée en RFA et composée de fils de militaires des FFA ; son CT, Albatros, est un ancien CT de la 3. Cette troupe comprend 3 patrouilles de 6 scouts chacune.

 

La 3° NANCY est réduite à 3 patrouilles, pour cause d'effectif insuffisant chez les Lions ; ce camp jumelé regroupe ainsi 6 patrouilles soit 40 scouts et 5 chefs.

 

Les troupes édifient ensemble une tour d'observation de 6 mètres de haut avec au sommet une plate-forme de 2x3 mètres. Un grand jeu oppose les deux troupes à de jeunes "Ayacks" des villages voisins, venus enlever 2 scouts lors de leur explo de pat.

Lors de leur journée "camouflage-observation", les patrouilles de la 3 doivent s'infiltrer dans la zone sud-est du plateau et installer leurs bivouacs sur les coteaux des hauteurs des villages de Lucey et de Lagney, le tout en mode furtif (tentes montées à ras du sol ou abris invisibles) avec mission de mener des observations sur les axes routiers et établir des croquis pano de la vallée et des deux villages. Des postes de guet camouflés en avant des bivouacs sont établis et une patrouille expérimente une cache d'observation semi-enterrée. La Maîtrise rôde et gare à ceux qui se font repérer!

 

En juin la troupe aligne 4 premières classes et 9 secondes classes et les CP/SP s'apprêtent à valider leurs badges au cours du camp à venir.

 

Grand Camp 1985

 

Le camp se déroule à LIEPVRE au pied du Haut Koegnisbourg, et est à nouveau jumelé avec la 1° SAAREBURG, qui limite son séjour à 2 semaines. Il y a sur le lieu de camp 7 patrouilles soit 45 scouts et 7 chefs.Toutes les patrouilles de la 3 réalisent des tentes surelevées, chefs d'oeuvres de froissartage et la maîtrise élève des mâts en forme de AVE. Les activités s'enchainent : explo de pat, concours de cuisine, et bien évidemment les raids individuels de 1° classe et de badge raider, particulièrement éprouvants dans ce massif montagneux.

 

Puis vient le raid de troupe du HOHWALD, du 12 au 18 juillet 1985.

 

Effectif de 27 scouts en 4 patrouilles et 5 chefs : 1 de garde au camp, 2 en voiture log et 2 sur le terrain.

 

1° jour Raid nautique

 

Rassemblement à 6h00 du matin aux mâts des couleurs, en uniforme avec veste de treillis et sac de raid ; départ immédiat.

 

Aucun programme n'est communiqué. On part. Point.

 

Premier crapahut de 12 kms pour rejoindre la base nautique de Sélestat sur les berges de l'Ill. A 9h00 nous y retrouvons les moniteurs du club de Kayak qui nous initient pendant 1 heure au maniement des embarcations ; puis la voiture logistique embarque nos sacs et uniformes et nous voilà partis descendre l'Ill.

 

L'ambiance est ludique, les scouts sont tout excités de ce nouvel exercice inhabituel et nous essayons de faire en sorte que les embarcations demeurent groupées par patrouilles, la maîtrise répartie entre elles, le moniteur en tête.

 

 A hauteur de Willerhof, nous nous engageons dans un petit bras de l'Ill, le Bornen, qui serpente sur 3 kms dans une forêt dense. Là commencent les premières difficultés ; nous avons rapidement l'impression de nous retrouver dans l'enfer vert de la Guyane : le bras de rivière devient parfois ruisseau, il faut descendre des kayaks, les tirer, se frayer un chemin dans l'entrelac de branches et de ronces, repartir, franchir de petites écluses en sortant les kayaks, en plongeant dans l'eau jusqu'à la ceinture, extirper les kayaks pour les faire passer de l'autre côté. Les scouts sont à la peine.

Finalement nous bivouaquons le soir en lisière de forêt, entre Ebersmünster et Kogenheim ; l'équipe pilote de la 3, en goguette dans le coin, nous retrouve et passe la veillée avec nous. Nous avons parcouru dans cette première journée 12 kms à pied et 15 en kayaks.

2° jour Raid nautique 

 

Nous poursuivons la partie nautique du raid, qui s'avère beaucoup plus aisée que la veille . Nous rejoignons en effet l'Ill et nous pagayons paisiblement et découvrons les magnifiques villages alsaciens de Kogneheim, Hutenheim, Benfeld et Sand avant d'atteindre au soir les faubourgs d'Erstein.

 

15 kms en kayaks et 2 kms de marche pour le bivouac. Ainsi cette première partie du périple s'achève par ce raid nautique de 30 kms.

 

 

 

 

 

 

3° jour Raid exploration 

 

Les scouts remettent leur uniforme et embarquent dans un bus ; ils sont à ce moment tous convaincus de retourner au camp.Des regards interrogatifs sont perceptibles quand ils s'aperçoivent que le bus ne prend pas la direction du sud vers Sélestat mais file vers l'ouest. Une petite vingtaine de kilomètres plus loin, nous arrivons à Obernai ; les scouts débarquent et voient repartir le bus avec un brin d'inquiétude ; ils savent qu'ils sont à plus de 30 kms du camp.

 

A l'issue de la messe, la journée explo de troupe débute par la visite de la bourgade ; des scouts se font photographier une glace à la main au milieu des touristes et des orchestres folkloriques. Nous reprenons la route vers 11h00 pour rejoindre Ottrot à 5 kms de là, au pied du massif vosgien; en ce milieu de juillet, le soleil est de plomb et il fait une chaleur torride ; une véritable fournaise qui rend ce petit bout de route particulièrement pénible. A Ottrot la voiture log nous rejoint et nous déjeunons en lisière de forêt, à l'extérieur du village.

 

L'après-midi, nous nous enfonçons dans la forêt pour atteindre les ruines des châteaux du Ratmahausen puis du Lutzebourg avant de poursuivre vers le Mont Saint Odile que nous atteignons en fin d'après-midi. En chemin, nous croisons dans les bois, au milieu de nulle part, une équipe pilote Scouts d'Europe de Versailles. Visite du Mont Saint Odile.

 

Arrivée le soir au château du Landsberg; nous passons la nuit dans les ruines d'une maison forestière abandonnée. Fin de l'explo de troupe (un peu plus de 15 kms à pied)

 

4° jour Raid de troupe

 

Changement de tenue : treillis complet et en avant pour un raid

de troupe à l'azimut, tout droit sur 10 kms (à vol d'oiseau, en

terrain montagneux, significativement d'avantage) en passant par

le château d'Andlau puis les villages d'Andlau et de Bernarvillé.

La troupe dévale les pentes escarpées du massif vosgien pour

les regravir ; les scouts de tête, le CP et le SP du Lion, taillent un

chemin à la machette pour permettre la progression du reste de

l'unité ; au fond des talwegs, franchissement de ruisseaux ou

petites rivières.

 

La fin de l'azimut nous amène sur la D203 et nous poursuivons

par les pistouilles avant d'atteindre dans la soirée le château du

Bernstein. La vue du haut du donjon  est époustouflante : la plaine

d'Alsace s'offre à nous jusqu'à Strasbourg et la Forêt Noire à

l'horizon.

 

Nous campons dans le château lui-même, avec veillée dans la

courintérieure ; bivouac au même endroit pour les scouts et

dans la cour supérieure pour la maîtrise. Nous avons parcouru

20 kms voire 25 kms dans la journée.

5° jour Journée survie 

 

Les patrouilles sont éparpillées aux alentours du Bernstein ; elles doivent installer leurs bivouacs en se fondant dans la nature (tentes à ras du sol, feux discrets, aucun bruit) ... celles qui se font repérer par la Maîtrise sont averties qu'elles vont "ramasser".

Les scouts perçoivent des ingrédients pour confectionner leur pain et concocter un repas trappeur, complété par leur collecte dans la nature.

 

6° jour Grand jeu

 

Le Roi Arthur lance les chevaliers de la Table Ronde dans la quête du Saint Graal pour sauver le royaume ; mais les chevaliers Teutoniques vont tenter de les prendre de vitesse ; au réveil, perchés sur les remparts du Bernstein, leurs chefs viennent narquoisement défier nos preux chevaliers.

 

Les patrouilles quittent le Bernstein pour atteindre l'Ortembourg avant les Teutoniques, en empruntant 4 itinéraires différends, incluants une dizaine de kms à l'azimut.Néanmoins, elles tombent chacune dans des embuscades tendue par les Teutoniques (la 1° Saareburg) et au terme d'une bataille de foulards inégale ( le ratio est de 3 contre 1), une dizaine de scouts de la 3 sont capturés et jetés dans une fosse du château de l'Ortembourg. Les patrouillards survivants se rassemblent et conjuguant leurs forces se lancent à l'assaut pour délivrer leurs camarades ; leurs adversaires rompent le combat et se replient vers le Frankenbourg où ils conservent précieusement le St Graal.

 

La troupe reconstituée, Maîtrise en tête, se lance à l'assaut du Frankenbourg et de son donjon, dont l'entrée est défendue par une grille métallique. Mais cette fois, l'assaut se réalise à la garuche et aux pétards ! Les scouts réussissent à pénétrer dans la tour, capturent 15 prisonniers et le SP du Lion trouve le St Graal.De mémoire de scout, ce fut une belle baston, comme on les aime en grand jeu.

 

La troupe, qui aura parcouru plus de 20 kms dans la journée, bivouaque dans les bois entre La Vancelle et Lièpvre. Veillée de promesses.

 

7° jour Montée au Haut Koegnisbourg

 

Les scouts endossent leurs uniformes et attaquent les 15 kms de montée au Haut Koegnisbourg, toujours sous un soleil de plomb. Arrivée dans l'après-midi et visite du château au milieu du flot de touristes, en compagnie de la 1° Saareburg qui nous a rejoint en bus ; repas dans les bosquets à côté des parkings.

 

Puis, en début de soirée, après la fermeture aux visites, les deux troupes retournent au château pour une messe et cérémonie de promesses nocturne, aux flambeaux, dans la cour intérieure du Jardin des Dames, devant le Donjon. Plus d'une cinquantaine de scouts entonnent le chant de promesse à la lueur des torches. C'est tout bonnement mythique !

 

A l'issue, les scouts de la 1° Saareburg reprennent leur bus pour retourner au camp, et ceux de la 3, gonflés à bloc, redescendent à travers bois en chantant à tue tête. Leurs yeux brillent de fierté d'avoir vécu cet instant magique et d'avoir participé à ce raid mémorable.

 

La troupe retrouve le camp vers 1h00 du matin du 8° jour à l'instant où éclate un orage spectaculaire. Ce périple quelque peu inspiré du roman Signe de Pistes " Le Raid des 4 Châteaux" nous aura fait réaliser en 7 jours une boucle de plus de 150 kms (30 en kayaks, 20 en bus (!) et 100 à pied dont plus de 25 à l'azimut), traverser 13 villages et visiter 10 châteaux moyenâgeux.

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