top of page

CHRONIQUES DU PAYS PERDU (1981)

 

Juillet 1981: la troupe part camper sur les terres du Pays Perdu des romans Signes de Pistes.

 

Nous nous installons sur les bords d’une petite rivière, l’OGNON, dans la forêt de VAUDENEY, sur la commune de VITREUX, à quelques centaines de mètres de l’Abbaye cistercienne Notre Dame d’ACEY et à peine à 6 kms des abords de la Forêt de la Serre.

 

Les explos de pat permettent de parcourir les villages aux noms si évocateurs pour les scouts : Malans, Thervay, Balançon, Brans, Pesmes, …

 

Très rapidement la Maîtrise prend contact avec Jean-Louis FONCINE et Serge DALENS (Yves de VERDILHAC) qui nous accueillent chaleureusement à leur domicile. Serge DALENS est particulièrement heureux de cette rencontre et il ne manque pas de nous rappeler qu’il a lui-même été scout et Assistant à la troupe 4° NANCY SDF – Groupe Charles de Foucauld dans les années 30.

 

Il nous fera d’ailleurs l’honneur d’assister à la veillée  et à la cérémonie de promesses quelques jours plus tard à l’Abbaye d’Acey.

 

Nous découvrons que les deux compères sont régulièrement sollicités par les scouts venant camper dans la région pour organiser des grands jeux dignes de leurs romans. Ils disposent de scénarios tout prêt, de costumes et même d’authentiques Ayaks locaux qui ne demandent qu’à passer à l’action.

 

Il n’en faut pas d’avantage pour nous convaincre de participer à un grand jeu avec une demi-douzaine de compagnies de Guides d’Europe, dont la 2° SAINT ETIENNE dirigée par Catherine de VERON de la COMBE campant à l’Abbaye d’Acey. 

 

La Maîtrise est alors composée de Pascal MARIE-JEANNE, de son frère Christian, de Francis DUMAIN, de Thierry CLAIR,  d’Olivier des CILLEULS (Gadgo) de Xavier GILLIOT (Raton), Pierre BRUART et Rémi SEIGLE (Petit Pain). Nous devons jouer le rôle d’une secte censée embrigader des guides.

 

Nous nous partageons les costumes, en l’espèce de grandes tuniques blanches assorties de cagoules noires pointues ; il n’y en a que 7 et Raton hérite d’une perruque et d’un chèche qu’il portera en étole ; il jouera le rôle de novice . Nous nous dépouillons de toute pièce d’uniforme afin d’éviter d’être identifié comme scout en cas de capture.

 

Nous nous entassons tous dans les voitures et filons à la nuit tombante à la lisière ouest de la forêt de la Serre ; les voitures sont dissimulées aux abords d’un chemin dans le bois de Menotey avant de poursuivre à pied jusqu'au carrefour de la Croix Boyon.

 

La Croix Boyon ! Celle-là même où un scout est ficelé dans le roman Signe de Pistes "La forêt qui

n’en finit pas".

 

Il s’agit d’une croix pattée en pierre d’une hauteur d’environ 2,50 mètres se trouvant sur l’ancienne

route de la poste traversant la forêt sur  l’antique voie romaine dont elle a conservé le tracé rectiligne 

; La croix fait partie d’un ensemble de 43 croix pattées situées au cœur du massif de la Serre dont

les origines sont encore mystérieuses. Elle sera inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques

quelques années plus tard, en 1988.

 

Nous voilà donc réunis à minuit tapante autour de la Croix Boyon, revêtus de nos tuniques, cagoules

sur la tête, munis de torches enflammées, en arc de cercle. Des bougies sont disséminées aux abords

afin de donner un éclairage fantomatique à la scène.

 

Notre novice se trouve au milieu du cercle, dans cette parodie de séance initiatique ; nous psalmodions des phrases incompréhensibles du profane ; En réalité il s’agit de  russe que nous répétons plus ou moins habilement après Francis qui a suivi un apprentissage de cette langue à la Corniche militaire.

 

Une première compagnie de guides arrive ; il est prévu qu’elles doivent toutes les six converger à cet endroit  à minuit, au terme d’une marche nocturne depuis leur lieu de camp.

 

Nous psalmodions de plus belle, l’air profondément inspirés :

 

Я замер меня в этом дерьме лесу  , antone Francis

 

Я замер меня в этом дерьме лесу ! répétons nous en choeur

 

Une seconde compagnie débouche sur notre droite , puis une troisième... nous brandissons nos torches enflammées en poursuivant notre rituel. Nous entendons les exclamations d'étonnement des guides.

 

Bientôt deux autres compagnies arrivent et nous sommes maintenant encerclés par plus d'une centaine de Guides. Dans un premier temps elles se tiennent à distance mais certaines , plus intrépides commencent à se rapprocher à quelques mètres à peine.

 

Pascal, notre Grand Maître, s'interrompt alors et lève les bras et d'une voix forte, les interpelle :

 

« Jeune filles, qui êtes vous donc pour venir troubler de la sorte notre cérémonie ? ''

 

'' Nous sommes des Guides d'Europe , et vous ?» réplique une CP qui semble ne pas avoir froid aux yeux

 

« Nous sommes la Secte des Daniélistes et nous croyons en notre Guide spirituel, Daniel, qui nous sauvera si nous suivons ses préceptes. Rejoignez nous ! Venez ! Vous recevrez la lumière de Daniel et votre vie sera transformée ! ''

 

'' Nous ne croyons qu'en un seul Dieu, le Père tout puissant  et  en son fils, notre Seigneur Jésus Christ ! '' hurle une autre CP

 

'' Ne restez pas dans l'erreur et les ténébres ! Rejoignez nous ! Nous vous ferons découvrir les merveilles des révélations de Daniel'' tente d'argumenter notre Grand Maître.

 

Les guides se rapprochent de plus en plus , à moins d'un mètre pour certaines ; on les entend pouffer lorsque la cire de nos torches s'écoule le long du manche pour finir sur nos mains et poignets. '' Hihi ça brule la cire, hein'' La première surprise passée , elles s'enhardissent ,  certainement rassurées par leur imposante supériorité numérique. Il est temps pour nous de déguerpir et notre Grand Maître de conclure :

 

'' Pour celles qui veulent rejoindre notre communauté, nous  donnons rendez-vous demain matin au Relais de la Chance au Roy, au bout de ce chemin de poste ! Venez nombreuses pour trouver la Vérité ''

 

Nous nous éclipsons rapidement ; quelques dizaine de mètres plus loin , nous éteignons nos torches et nous nous exfiltrons de la zone dans l'obscurité totale, pour éviter d'être suivi. Mais les guides ne nous ont pas poursuivis. Nous rejoignons les voitures et retournons au camp pour quelques heures de sommeil.

 

Réveil avant l'aube. Nous retournons dans la forêt de la Serre en nous séparant cette fois en deux groupes: le premier composé de Pascal, Christian et Francis au Relais de la Chance Au Roy et le second composé du  reste aux Grottes de l'Ermitage.

 

Il a en effet été convenu avec les cheftaines qu'un certain nombre de guides complices s'éclipseraient discrétement avant le réveil de leurs camarades pour rejoindre la secte des Daniélistes . Le point de récupération prévu est au lieu dit des grottes de l'Ermitage, à mi distance entre la Coix Boyon et le Relais.

 

Le groupe parti au Relais est chargé de la reconnaissance et de la sécurisation du site ainsi du recueil des guides qui n'auraient pas compris et ne seraient pas passées par les grottes.

 

Le premier groupe arrive aux premières lueurs de l’aube, toujours affublé de son déguisement, aux grottes de l’Ermitage (celles où l’on garde les prisonniers dans le roman Matricule 512 de Signes de Piste) ;Il s’agit d'une roche escarpée dans laquelle s'ouvrent deux excavations. Celle du rez-de-chaussée forme trois salles; il y en a quatre à l'étage. En partie creusée par la nature, en partie de main d'homme, cette grotte s'ouvre sur une plate-forme où jaillit une source aussi abondante que limpide. La légende y fit vivre des hommes préhistoriques, des druides, des ermites, les Bons Cousins Charbonniers.

 

Les premières guides arrivent, rapidement suivies d’autres. Elles sont douze au total, de tous âges, de la novice au CP, de diverses patrouilles et de diverses compagnies. Nous empoignons les sacs à dos des plus petites et nous voilà partis sur le chemin de poste vers le Relais de La Chance au Roy.

 

Le chemin est détrempé, boueux par endroit en raison d’une petite pluie fine et désagréable ; les guides tiennent le rythme et nous progressons rapidement.

 

Pendant ce temps l’autre groupe et arrivé en voiture au mythique Relais de la Chance Au Roy,

là même où ont débutés les aventures de la patrouille des Hirondelles.

 

Le site est décevant ; il s’agit de ruines à peine visibles enfouies sous la mousse et la

végétation, à quelques mètres d’un chemin s’enfonçant dans le bois de Thervay, entre les

coteaux «’’Le Poulot’’ et ‘‘Balançon’’. Il y a également un puits de 4 mètres de profondeur,

dans lequel nous jetterons les prisonniers au cours du grand jeu qui opposera la 3° Nancy

à la 1° Saint Etienne la semaine suivante.

 

Mais c’est bien là, même s’il n’y a jamais eu de relais de poste à cet endroit ; le chemin de

poste passait en effet par la route sommitale de la Forêt de la Serre, allant de Saligney à

Archelange ; Jean-Louis FONCINE lui même avoua en 1996 que le Relais de la Chance Au Roy

n’avait jamais existé dans son pays , qu’il avait trouvé ce nom par pur hasard sur une vieille

carte d’état major et, ce nom ‘’chantant ‘’dans son esprit ,qu’ il l’avait associé à cet endroit

pour les besoins de son roman.

 

Pascal, Francis et Christian en tunique blanche, cagoulés, inspectent les lieux et déambulent sur le chemin ; ils le descendent lentement, tous  trois de front, en silence.Tout à coup, au détour du chemin apparaît un brave garde forestier venu faire sa ronde matinale, son fusil de chasse à canon double juxtaposé sous le bras.

 

A la vue des trois gaillards  à une dizaine de mètres devant lui dans cet accoutrement inquiétant, l’homme blêmit soudainement ; La stupeur puis la peur se lisent dans son regard … d’un geste sec il arme son fusil, le pointe et d’une voix tremblante il réussit à balbutier ‘’N’avancez plus ou je tire !’’

 

Pascal retire prestement sa cagoule … ‘’Nous sommes scouts ! C’est un  jeu ! N’ayez crainte !!’’

 

L’homme en est quitte pour une bonne frousse.

 

Le  groupe parti des grottes arrive dans la matinée et nous prenons un petit déjeuner tous ensemble, sur les ruines du Relais. L’attente commence.

 

En fin de matinée, arrivent les premières compagnies de guides. Elles débouchent de la forêt par le chemin descendant du bois de Thervay. Nous nous regroupons derrière les ruines du Relais, sur le petit escarpement menant au sommet du lieudit Le Poulot.

 

Les’’ converties’’ sont derrière les membres de la Secte des Danièlistes formant une ligne de front, bras croisés.

 

‘’Rendez-nous nos Guides !! ‘’ clament les CP devant nous

 

Notre Grand Maître étend les bras ‘’Elles sont venues de leur plein gré nous rejoindre ! Personne ne les a forcées ; nous ne les retenons pas en otage ; Elles ne veulent pas revenir avec vous !’’

 

‘’Laissez-nous ! Nous voulons rester avec les Danièlistes ‘’ enchérissent les autres, qui jouent le jeu à fond.

 

Le ton monte côté guides ; les esprits s’échauffent.

 

Entre temps une autre compagnie est arrivée ; elles sont déjà près d’une centaine maintenant. Confiantes dans leur écrasante supériorité numérique, elles s’avancent, se pressent devant nous. A huit, ça va être difficile de résister. Une retraite s’impose. Tandis que 4 d’entre nous restent en arrière tentant de faire barrage à la vague de guides, nous fuyons avec nos 12 nouvelles adeptes en gravissant le sommet de la butte, pour redescendre sur l’autre versant et aboutir sur le chemin du Val Saint Jean.

 

Notre arrière garde nous y rejoint, et nous remontons à gauche le Val Saint Jean, au pas de course.

 

Mais étrangement, personne ne nous a poursuivi ; les guides, sans cheftaines, ont dû avoir du mal à s’organiser et se mobiliser. Nous contournons le Relais en passant à travers bois au fond d’un talweg pour revenir vers le lieudit Balançon et nous nous postons au sommet de la carrière située à une centaine de mètres en dessous du Relais.

 

Nous sommes vite repérés par les Guides qui cette fois sont au complet ; elles convergent et se massent au fond de la carrière. Six compagnies au total : plus de 120 guides ! C’est impressionnant.

 

Nous sommes tous en ligne au sommet du monticule : les Danièlistes au centre, les ‘’converties’’ à nos côtés. En bas les guides hurlent et scandent à l’unisson et à plein poumons ‘’RENDEZ NOUS NOS GUIDES ! RENDEZ NOUS NOS GUIDES !!’’

 

Les cheftaines arrivent, accompagnées de Jean-Louis FONCINE, ce qui annonce la fin du jeu.

 

Nous dévalons alors la butte pour nous retrouver parmi les Guides au milieu des clameurs de victoire.

 

Rassemblement.

 

Jean-Louis FONCINE se lance alors dans un débriefing avec une présentation du site et du jeu.

 

Le soir, les compagnies de Guides campant à l’Abbaye d’Acey, nous invitent à leur veillée. Des échanges seront maintenus par suite avec la 2° Saint Etienne.

bottom of page